samedi 16 juin 2012

Fermé pour cause d'inachevé

On s’enferme sur cette petite place carrée — mérite à peine le nom de place. Porosité du calme, du silence. Quatre arbres malheureux qui n’ont pas eu la chance de grandir au grand air. L’un, plus large plus assuré, protège les trois autres. De quoi, on ne sait pas.
Illusion de la place. Illusion de la rotondité.

Que vient-on chercher là ? Une preuve à sa solitude : la preuve qu’on est seul, on revient, erre là un matin de printemps mouillé — faux printemps, fausse matinée.

En colère. Colère, ressentiment, mesquin. On se sent sale d’être aussi mesquine. Mais c’est ainsi. Ça pourra peut-être, qu’en sait-on ? La suite nous le dira, les quelques mots (milliers ? millions ?) nous le diront.

On s’enferme de nouveau. On oublie la place, il n’y a plus qu’un perron, une marche sur laquelle on s’assoit.
Interruption du cycle ?

Rumeur résumée plus discrète plus perceptible plus palpable sans chercher sans vouloir.
Trivialité des événements — prosaïque. Qui eût cru que la vie pouvait être aussi banale, que les plus grosses surprises pouvaient être vécues avec une telle indifférence.
Indifférence, observation, jouissance, certes, mais pas bouleversante, jouissance aisée, facile, poids dont on se débarrasse, qu’on laisse derrière soi avec aussitôt l’envie de l’oublier, ou, non de l’oublier, mais qu’il soit une fois pour toutes derrière, dans le passé, toute réalité palpable effacée.
Va-t-en.

Enfermée sur cette petit place. Je me souviendrai toujours de la révélation qui m’a été faite près de cette petite place, petit coin pastoral caché à quelques mètres à peine d’un boulevard.

Après midi ensoleillée. Douceur de juin. Parfum de vacances. De congé plutôt.
Ivresse d’un bonheur fugace. Souvenir impalpable et doux.
Et toutes les questions qui ont suivi. Sans jamais entacher la pureté originelle. Bonheur opportuniste, secret sans fin. Secret bien caché. Qu’on ne révèlera pas, jamais.

Agacement, frustration. Temps figé par le sentiment.
Pas d’indifférence. Pente douce vers plus de frustration, plus de fatigue.
Va plus loin. Descends encore. Une marche après l’autre. Même si pas envie. On n’a jamais vraiment envie.
Il n’y a plus de bout du rouleau. Depuis longtemps dépassé. Plus de bout du rouleau. On s’aperçoit chaque instant que ça peut toujours être plus sombre.
Un peu comme la nuit, l’accoutumance des yeux à l’ombre, qui devient pénombre, puis ombre à nouveau.
Pas de fin à cette lente descente.
Mais imaginer que la lumière n’ait pas cycle. Pas de jour, ni de nuit. Pas de succession, pas d’évidence.
Juste celle-là.
Ça peut toujours être plus sombre.
On se complait ouvertement mais au fond on n’a jamais vraiment envie, on voudrait remonter, que ce soit facile de remonter, enfin.
Mais où vous croyez-vous ? Comment pouvez-vous croire que c’est facile de remonter. Au fond. On reste au fond. Plus bas.
Descend encore.
Pas envie.
Même si pas envie.
Même si pas envie, on t’a dit !

jeudi 7 juin 2012

3. Un Calvaire?



Mes yeux se sont donc accrochés à cette chapelle, datée de 1529. Mon regard s’est suspendu à ce calvaire derrière sa grille ourlée. La course du temps a suspendu un instant son vol au filigrane de ses tombeaux nombreux, accorts cénotaphes embellissant ses abords de dentelle mortuaire. Non que ce catafalque soit éclatant, au contraire. Sa restauration souligne une bienveillance manifeste mais malhabile. Peut-être est-ce cette maladresse qui me donne envie de creuser le sujet. La gaucherie touchante de la bonne volonté rurale, une détermination poignante à préserver un bien ni ostentatoire ni singulier dont l’importance ne tient qu’au titre d’artefact de la vie locale.

On aurait pu détruire ce qui subsiste de cet édifice lors de la construction de la chaussée vers Luxembourg, mais pour une fois « on » a décidé de le protéger. Des fois j’aime bien « on ».



Son architecture rappelle celle de tant d’autres, composée de voutes d’ogives, en berceau, à lunettes, son plafond rehaussé de pans coupés, bordé d’un toit d’ardoises aux longues pentes croupies. La banalité d’un chœur à chevet polygonal trône en toute humilité, les sculptures aux ornements végétaux sont celles que l’on croise communément. Pas de quoi casser trois pattes à un canard. Pourtant…



Une épigraphe sur la porte « construite en 1529 sur l’autorisation d’Antoine, duc de Bar et de Lorraine » fait référence à la présence de ces ducs à Longwy. Je ne peux dès lors m’empêcher de méditer sur le destin de la Lotharingie, histoire riche par excellence.

Je m’étonne de découvrir que Longwy fut si concernée et surtout de si près par ces ducs.

Me voici sur les marches de cette chapelle essayant de m’imaginer le visage de la ville au 15ème ou 16ème. Difficile de prime abord. Je me surprends à dessiner des portraits aux ombres qui ont gravis ces mêmes marches il y a près de 500 ans.

J’imagine ces échines courbées par la dévotion, les bourgeois enrobés côtoyant le vilain en ce lieu de culte.

Ainsi l’importance de ce bourg serait plus prédominante que je ne l’envisageais ? J’aurais juré Metz bien sûr, Nancy, Thionville, Sierck… Mais Longwy… Je n’ai jamais rien lu sur le sujet dans les communications culturelles clairsemées de la municipalité. Et je me jure bien sûr d’approfondir la question. Il me tarde maintenant de rentrer chez moi et pouvoir fureter sur internet.



Mais revenons à ce calvaire.

Base Mérimée… ( Youpla boum).

Je tape Longwy sur mon clavier et le prodige de la technique me laisse une fois encore admirative. Pour la génération qui est la mienne, éduquée à devoir partir à la pêche aux informations dans les bibliothèques poussiéreuses, c’est comme un petit miracle qui se reproduit à chaque fois. Et ce sont bien les photos de « mon calvaire » que j’ai sous les yeux.




Des clichés en noir et blanc comme il est recommandé dans la procédure conservatoire de l’inventaire général du patrimoine culturel, car plus résistants aux outrages du temps.



Je griffonne sur le carnet à ma droite :

Blablabla… calcaire… j’avais vu juste… déplacé à plusieurs reprises… dimensions… manque la Vierge et St Jean qui entouraient le christ…inscription gothique illisible… probablement daté du … 16eme ?

Voilà une date qui m’interpelle et par laquelle je ne suis pas convaincue.

D’abord en raison de son style et des éléments qui le composent. Je fronce les sourcils et me demande sur quoi ils se basent pour une telle hypothèse hormis la date de construction de ce qui fut en son temps l’église de Notre Dame du Mont Carmel pour devenir cette chapelle… je poursuis.

Style néogothique. Nous sommes d’accord. Mais ce que je comprends moins encore c’est la raison qui pousserait un artisan de la Renaissance à user de l’apparence gothique consommé pour la création de cette crucifixion alors que ce style était fini et surtout fortement décrié à cette époque.

On crachait en effet sur le gothique, style issu de l’âge sombre, le moyen-âge, considéré comme barbare et répugnant aux yeux des renaissants. Ça me parait difficile à croire.

Même si l’on envisage l’hypothèse d’une ignorance des nouveaux mouvements artistiques dans la région, ça me parait difficilement vraisemblable.

L’artiste en question aurait-il pu être coupé du monde, des modes et des mouvances à ce point ? Et même si c’était le cas, et si on avance l’idée que cet artisan était extravagant, troglodyte et ermite, et qu’il ait crée ce calvaire dans un style hors d’âge, personne n’en aurait voulu, et encore moins le mettre à la vue de tous. Ce serait trop la honte.

Puis l’hypothèse d’un manque de renseignement artistique n’est pas très cohérente non plus. Longwy était trop bien placée sur la route qui reliait les artistes du nord, en particulier d’Anvers, à l’Italie pour être épargnée de toute information. Ces artistes se déplaçaient continuellement pour échanger leur savoir-faire et apprendre les uns des autres les évolutions techniques et les tendances. À tel point que j’en arrive parfois à me demander si le bouleversement artistique de la Renaissance n’est pas flamand plus italien. Cette théorie ne me paraît donc pas vraisemblable.

Certes en France, au sujet de l’architecture on note un retard tangible au regard de l’évolution artistique picturale à la période charnière de la fin du moyen-âge et de la Renaissance artistique. Couramment le style gothique est encore usité, spécialement pour les édifices religieux, mais du gothique flamboyant dont on ne retrouve aucune trace du caractère ostentatoire de cette sculpture. On peut pourtant remarquer que la statuaire a suivi la même mouvance tardive, surtout celle qui a vocation religieuse. Mais même. Ça me laisse dubitative… N’oublions pas que des artistes tels que Michel Ange sont du 15ème et ont révolutionné les styles et les approches. Une simple comparaison avec la statuaire de l’époque suffit à créer le doute.

On y trouve en effet bien plus de finesse et d’expressivité dans les corps et les visages. Cet aspect figé que conserve le calvaire demeure une caractéristique très spécifique du moyen-âge. Donc je pense non à la Renaissance, non au 16 ème, non au 15 ème mais bien le 14ème tout au plus.



Mais pour en être certaine il me faudra me pencher plus avant sur les particularités culturelles locales, m’intéresser à l’histoire de Longwy me permettra certainement d’affirmer ou infirmer l’idée qu’il s’agissait d’une enclave à ce point coupée du monde.



Et les hiéroglyphes ? Vous les voyez ? Cette foultitude de bas-reliefs en bas sur le fût ?



On y découvre des tenailles, marteau, griffes et le serpent insidieux, icône de l’incarnation du mal, qui rampe sur la gauche, vous le voyez ? Ils me rappellent étrangement ceux que l’on trouve depuis l’antiquité pour imager les instruments de la Passion du Christ. Mais cet usage ancestral était parfaitement exclu au 16eme ! Le mystère se corse et ma conviction se nourrit pendant que mes talons claquent sur le bitume du chemin du retour.

Ainsi, une bête curiosité poussée au bout de la rue me laisse deviner que cet édifice n'est que la partie émergée de l'histoire de cette ville dont les éléments illustrent une trame plus globale: La Lotharingie, les comtes de Bar et ducs de Lorraine successifs avaient fait de cette ville l'un de leurs fiefs principaux.

Cette histoire promet d’être alléchante…


mardi 5 juin 2012

2. Pourquoi raconter l'histoire de Longwy?


Un samedi.

Bêtement, par hasard, par manque d’imagination, par pétrarquisme, proximité, paresse? Les hypothèses ne manquent pas.

Mais refaisons le chemin à l’envers.

Une rue, banale.
Une rue ou rien n’attire l’œil. Ni jolie, ni laide. Une rue.
Une rue pas très loin de chez soi.

Une de ces rues que l’on ne pratique qu’en voiture, que l’on ne détaille jamais, une rue que l’on se contente de parcourir l’esprit encombré par les préoccupations du quotidien. Une rue dont la seule vocation est d’être une artère passante, une petite rue d’une petite ville, un étroit passage vers l’ailleurs.

Puis un samedi.

Samedi triste, sans passion, qui s’étire comme un chewing-gum collé sous la semelle. Le ciel de plomb est tel qu’on se l’imagine à travers les descriptions de Zola, Germinal du vingt et unième siècle.

Au volant du char d’assaut qui me tient lieu d’automobile, ce samedi, je circule dans cette rue, ce chemin vers l’ailleurs, comme je l’ai déjà fait tant de fois.

Mais ce samedi, mon regard traine plus qu’à l’accoutumée sur les bâtiments qui m’entourent. La plupart sans style et sans caractère, certains en ruine en deviennent touchants de fragilité. Ces bâtiments qui n’intéressent plus personne, que beaucoup voient comme des verrues dans le paysage, que le commun préfèrerait voir disparaitre au profit d’un ensemble moderne, neuf, sentant le propre et l’aseptisé ; ces bâtisses m’attendrissent.

C’est un peu comme notre mémoire atteinte d’Alzheimer, l’amnésie perfide de ceux qui les ont réfléchis, de ceux qui les ont bâtis de leurs mains, qui y ont gravé la trace de leur peine laborieuse, de ces familles qui y ont vécu. Ces murs, je me surprends souvent à retenir mon souffle en les observant, comme si ma fébrilité pouvait suffire à les effondrer tant ils semblent n’être retenus que par leur seule volonté à subsister, par la frénésie de leur détermination à survivre. C’est cela qui force mon respect.

***



- Attends une seconde, quitte pas.

o Edgar ??? Qu’est-ce qu’y a ??? Ça va pas ???

- ……

- Scuse, c’est le chien, il m’a fait peur.

Tu disais ?

- Il a quoi ton chien ?

- Rien, rien ! J’ai cru apercevoir un éclair d’intelligence dans son regard, ça m’a fait flipper. Mais c’est bon fausse alerte ! Alors, y a quoi derrière chez toi ?

- Une chapelle. Dis, tu pourrais éviter de mâcher tes chips si près du combiné, steuplé ?


- Scronch scronch scronchmais y en a parffftout des chwapellesscronch scronch scronch

- Oui mais celle-ci, il y a un petit jardin à coté entouré de grilles et en passant j’ai aperçu des sculptures. Elles n’avaient pas l’air de dater d’hier…

- Scronch … et alors ? après avoir vu la vierge dans un paquet de nouilles, t’as trouvé Dieu dans la fiente de pigeon posée sur le grille ? hi hihihi

- Tu m’em…

- Moi aussi ch’t’aime !
huhuhu

- Non. Simplement j’ai pris ma cam et je suis allé filmer, pour faire des recherches. La sculpture est en fait un calvaire en calcaire. Splendide. On se demande ce qu’elle fait là abandonnée aux intempéries. Au premier abord je dirais 11eme ou 12eme siècle. Encore en très bon état. Tu veux que je t’envoie le film ?

- Non, surtout t’embête pas ! Ça va aller. Et donc tu veux faire quoi ? Alerter le ministre de la sculpture pour sauver le chemin de croix ?
hihihi

- Très drôle. Non, je vais faire des recherches, ça m’interpelle… Il doit y en avoir une trace aux Monuments Historiques. Je vais aller fouiller dans les bases de données voir si je peux trouver d’autres renseignements.

- Mais c’est pas un monument c’est une statue ?!

- Oui ben dans la base Mérimée ou Palissy, on verra bien. Je peux quand même pas rester sans savoir ce que c’est.


- Scronch scronchBen fonce professeur Folledingue, tu me raconteras.

- Seulement si tu cesses de manger dans le téléphone quand je t’appelle.


Voilà, c’est ainsi que l’on commence à aller fureter dans les archives du patrimoine sans savoir dans quoi on vient de glisser le pied…

dimanche 3 juin 2012

1. Pourquoi écrivez-vous?




Pourquoi écrivez-vous ?

Sempiternelle question posée par tout éditeur qui se respecte alors que vous envoyez votre manuscrit à son approbation. Ai-je dit question idiote ?

Allez, je me motive, je respire, et je libère tout ce que je contiens de franchise mâtinée peut-être d’un peu de diplomatie.

Écrire. Certainement la meilleure idée que l’homme ait eue.

Écrire. Certainement la plus mauvaise idée que j’ai eue !

Chronique d’une calamité annoncée : « Tous aux abris, Pétasse se prend pour un auteur».

Il y a de quoi se mettre en liste rouge, aux abonnés absents, éteindre toutes les lumières, fermer les volets, et renvoyer son courrier signifié de NPAI.

Oui.

Car quand Pétasse se prend pour un écrivain, avec la grande charité qui la caractérise, personne n’échappe à ses demandes de relecture, à ses « t’en penses quoi ? » « Oui, mais c’est pas trop ci ou trop çà ? », « tu crois pas que ? » « Comment ça t’as autre chose à faire ? »

Et ça fini inévitablement par une Pétasse vexée comme un pou ou frustrée, et un entourage pourtant plein de bonne volonté mais résolu à souscrire à l’abonnement au Prozac en promo avec toute inscription au « Cercle des Proches de Chieuses Émérites. »



Pourquoi j’écris ? En voilà une grande et belle question pour un adepte de l’astiquage de nombril mèche au vent, regard perdu dans le vague, pour un disciple de l’autopsie du « mon-moi-si-profond-qu’on-entend-l’écho » sans plus de raison d’être que de consistance. (J’ai dit diplomate ?)

Mais ne soyons pas avaricieux de nos cours de philo, gardons l’esprit ouvert à tout questionnement situé à mi-chemin du « pourquoi mon anus se trouve derrière » et « Quand je mets mon doigt ici, ça fait quoi ».



Cette question a-t-elle sincèrement un sens ?

Oui. Bien sûr que oui.

Car tout questionnement a un intérêt chiantifique.

Puis le principe du questionnement nous rassure sur la présence potentielle de sources cognitives que notre encéphale mou est supposé pouvoir mettre en branle. Mais le simple fait de ne pas trouver la réponse nous rappelle aussi que ce dit bulbe rachidien est largement atrophié par les années de fiesta entre copains, les substances illicites ingérés à la chaine, le stress du travail (seule excuse socialement respectable et donc pas des moindres) et que les années qui passent demeurent indiscutablement neuronophages.



Alors, reprenons.

Le principe « d’écrire » a-t-il lui-même un fondement, une utilité ?

Y a-t-il un sens à toutes ces lettres ? À tous ces mots ? À toutes ces phrases ? Ai-je donc tant de temps à perdre pour me poser ce genre de questions futiles ? Ah, pardon monsieur l’éditeur, c’est vous qui l’avez posée, j'oubliais….



Pourquoi j’écris…

J’écris car je suis ? Transcription scripturale d’un cogito ergo sum qui a mis en surchauffe la cervelle de tant de générations… Mais cette réponse me laisse perplexe.



Qui suis-je pour prétendre écrire ? Eh bien, je ne suis justement personne.

Alors ?

Alors écrire, en ce qui me concerne, c’est un moyen de penser, de réfléchir, et aussi une façon d’agir.

J’écris par fanatisme, je réfléchis par idéalisme, et j’agis par conviction. Que de prétention dans ces derniers mots, mais ça en jette, non ?

Pourtant ce ne sont pas les uniques raisons de ma folie encrière mais j’y reviendrai plus tard.



Au fil du temps, écrire est devenu synonyme de gains ostentatoires dans l’imaginaire populaire et parfois dans la réalité. Une forme de financement alternatif de l’ego surdimensionné, capable de faire et de défaire l’ascétisme littéraire.



La réussite littéraire s’apparente à une suite de mots qui deviendrait un livre, livre qui deviendrait à son tour un best-seller mais qui reste pourtant une bête suite de mots. Une écriture qui deviendrait en somme une simple ligne de compte. À chaque mot, à chaque signe, serait alors associé un montant en euros sonnants et trébuchants. On s’achemine doucement vers un non-sens littéraire, un désert créatif remplacé par la perspective du gain et de la rentabilité. Les mots n’ont plus de sens que le prix que l’on est prêt à y mettre.



Alors pourquoi j’écris ?

En ce qui me concerne, j’écris couramment, et je dis bien « je », à tort et à travers, surtout à tort.

J’écris ce qui me passe par la tête, le fruit de mes recherches, les images que cela produit en moi, les histoires que cela me raconte. J’écris ce qui me traverse, ce qui me touche et me bouleverse parfois, mais surtout je veux écrire ces sentiments que l’on ne lit jamais entre les lignes des dates des grands évènements plus ou moins connus.

Chacune de mes lignes, chacun de mes mots je les veux chargés d’une sensation, d’une émotion, d’une conviction. Les leurs, les miennes, les nôtres.



Et je n’ose avouer au regard de ce principe combien de livres je tiens au rang de farce scripturale. Je n’ose me remémorer le nombre de bouquins que j’ai refermé sur un sentiment d’inachevé, le gout amer que laisse le vide d’une histoire pourtant bien construite techniquement mais si creuse d’humanité.



Prenez des lettres, faites des mots. Alignez ces mots, vous aurez des phrases. Avec un peu de chance vous arriverez à votre but, au bout de votre histoire. Mais comme votre histoire reste désespérément vide, exempte de toute humanité. Dans chacune de ces lignes, on trouve au final un compte en banque ou un éditeur se questionnant sur une ligne de profit.

En définitive, n’importe quel abruti est capable de prendre un stylo et écrire, mais écrire au sens propre, écrire pleinement, écrire avec ses tripes plus qu’avec son savoir, n’est donné qu’aux imbéciles profonds et heureux de mon genre.



Un dimanche pourri parmi tant d'autres


Aujourd'hui l'humeur n'est plus aux pioupious les p'tits oiseaux qui chantent au monde des Bisounours. Ce ne serait pourtant pas pour me déplaire je l'avoue.

Mais tu es très perspicace, tu as deviné qu'aujourd'hui, ce ne sera pas le cas. Je ne vais pas jouer à la boute en train, je ne vais pas faire le clown ou jouer à la forte. Non. Aujourd'hui,  je vais me plaindre, allègrement. C'est mon blog, je fais ce que je veux après tout.


Je vais donc te donner la recette pour réussir un dimanche bien pourri:


1) Tu prends un dimanche, et tu lui mets de la pluie, dès le matin. Pas de la neige, parce que la neige, c'est boôOÔOôo. Pas une petite pluie printanière et intimiste non plus. Non, de la pluie, forte, bruineuse, avec des éclairs ou de la grêle si tu veux, mais de la pluie qui mouille. C'est très important pour le reste de la journée.


2) La veille, tu prendras soin de te coucher trrrrrès tard, pas parce que tu as fait la fête, non, ce serait trop sympa, mais plutôt parce que ton organisme aura décidé sans te prévenir de se mettre un gros décalage horaire dans la couette, comme ça, pour le plaisir, et surtout que tu as regardé des films à la con (ceux qui sont sensés te faire pleurer et y parviennent à coup sûr, ou ceux sensés te faire rire et qui se plantent la majorité du temps) sur ton ordinateur pratiquement toute la nuit (Internet est vraiment magique pour les insomniaques torturés!). Oui, le dimanche pourri se prépare à l'avance!


3) Tu es donc levée, la matinée est largement terminée, et il pleut, deux bonnes raisons pour t'empêcher d'aller chercher des croissants ou du pain frais à la boulangerie. Tu te contenteras donc de ton café matinal de la semaine, en un peu moins sympa parce qu'en plus, tu n'as plus de café.

4) 14H: devant le temps plus que maussade et l'irrépressible besoin de sortir de chez toi pour ne pas devenir fou, tu regardes autour de toi te demandant ou tu pourrais bien aller trainer ton spleen. Sur les conseils des amis, tu te motives, car oui il faut sortir, ne pas rester à broyer du noir inutilement, ou pire: commencer à réfléchir. Alors tu tentes d'y croire que ça pourra un peu égayer ce dimanche dégoulinant de morosité Tu postes un statut sur Facebook par pur désœuvrement, car les dimanches pourris on ne s'imagine pas que ses petits états d'âmes minablement égocentriques puissent intéresser qui que ce soit, les dimanches pourris nous transforment en êtres résolument clairvoyants.


5) 15H: Tu as faim, mais tu as la flemme. Les livreurs de pizza sont fermés, donc tu te réchauffes un peu de rien qui traîne au frigo en prenant soin de ne pas vérifier la date de péremption, et tu te fais une sorte de gloubiboulga en hommage à ces petits riens que faisait ta grand-mère pour te caler les jours de pluie. C'est bizarre, mais à 8 ans, ça semblait plus appétissant. Comme tu as faim, tu manges, avec la consolation qu'au moins, c'est chaud et ça te tiendra au corps jusqu'à ce soir...


6) 16H15: Tu regardes pour la quinzième fois si quelqu'un a décidé de se souvenir que tu existes. Apparemment, tes amis ont décidé d'hiberner pour la journée... sauf ceux qui sont trop occupés par leur vie familiale bien remplie pour te venir en aide, et qui finalement te déprimeraient encore plus. Tu décides alors d'aller te doucher, et finalement, de te faire belle (on ne sait jamais, le prince charmant se trouve peut-être dans un recoin de ton inconscient, tu ne voudrais pas qu'il te voit avec cette tête là?!)


7) 17H30: Tu pars de chez toi, lavée, habillée, maquillée, brushée (c'est dimanche, il pleut, les heures comptent double alors tu as le temps, alors que la semaine, non). Perchée sur tes sandales ouvertes à talons aiguilles, tu enfiles on plus bel imper. Allez hop, action, on se motive, ce n'est pas une raison pour broyer du noir, et il parait que se faire belle me redonne le moral!


8) 17H35: tu ouvres ton parapluie, et te dis que le brushing sous la pluie, ce n'était pas une bonne idée...


9) 17H50: tu arrives nulle part. Apparemment, puisqu'il pleut (au cas où depuis le paragraphe précédent, tu aurais oublié...) le reste du monde n'a pas eu la même idée que toi, et décidé de rester au chaud à la maison. La ville ressemble à un no mans land investi par les corbeaux. Du coup, tu pars en quête d'un salon de thé pour prendre une boisson chaude, une pâtisserie pour te réconforter, vérifier que l'humanité existe encore. Tu en profites pour faire le tour des  rares vitrines fermées qui jalonnent ton chemin, pour passer le temps, et tu t'aperçois que les promenades sous la pluie le dimanche, c'est un sport qui se pratique en couple. Tu vérifies: non, tu es seule sous ton parapluie. Après avoir parcouru la rue principale du centre-ville en vain, tu décides de remonter chez toi, sans boisson chaude ni aucune forme de sucre pour te réconforter.


10) 18H25: Tu te réconfortes comme tu peux: après tout, il vaut mieux n'avoir croisé personne car les dimanches de pluie les gens sentent le chien mouillé. Répandre son fiel les dimanches pourris est un sport qui peut parfois sembler reconfortant. Tu passes devant 3 pâtisseries fermées, et tu as l'impression d'y voir l'histoire de toute ta vie: toutes ces choses alléchantes tu les observes derrière une vitre hermetiquement close, tu n'y as pas accès, tu te contenteras d'en avoir envie sans pouvoir y toucher. A ce moment là ta déprime est au beau fixe. Tu renonces.


11) 18H45: tu t'installes devant ton ordinateur, avec une tisane bien chaude et un clafouti industriel en barquette aluminium périmé et assez dure pour te casser les dents dessus, une bougie aux épices, un peu de musique classique et tu entreprends de saper le moral d'autres personnes en racontant ta journée... parce que ça, ça remonte un peu le tien, de moral.